DU 7 AU 12 AVRIL : SUR LES TRACES DES CATHARES, BALADE DANS LE TEMPS
L'aventure commence à Carcassonne. Rendez-vous sur le « vieux pont ». L'équipe est au complet.
Danielle nous conduira en pays cathare au coeur des corbières, pays de collines calcaires, arides au relief tourmenté et sauvage. Terre rude et fière, ayant conservé au fil du temps son caractère d'indépendance. (serait-ce l'héritage cathare ?). Région désertifiée, mais aux paysages grandioses, hérissée de châteaux ruinés, aux remparts déchirés, perchés sur leurs pitons, où souffle le vent de l'histoire et qui nous parlent encore de leur destin tragique.
Un peu d'histoire :
Qui étaient ces cathares, ce courant religieux de chrétiens dissidents, qui se développa en Occitanie, terre d'autonomie et de contestation, s'appelant entre eux bons hommes et bonnes femmes, bon chrétiens ou bien parfaits pour les plus purs ? (racine grecque de cathare = pur). Ils s'organisent en église et se structurent en quatre évêchés : Albi, Carcassonne, Toulouse et Agen.
Ils Croyaient en l'existence antagoniste entre les deux principes du bien et du mal. Ils tendaient à se détacher de la matière créée par le démon : le corps prisonnier de l'âme appartient à la création diabolique. Ces hommes avaient choisi une vie d’ascètes, empreinte de sérénité.
Ils réfutaient l'ancien testament, ne reconnaissaient pas le dogme et les enseignements de l’Eglise. Leur seul sacrement était le consolamentum qui efface toutes les fautes passées et garantit la vie éternelle. On le recevait au cours de sa vie pour devenir parfait ou avant la mort pour les simples croyants.
Réformateurs ?
Soutenus par la classe aristocratique, ils se recrutaient parmi les bourgeois, les nobles, les marchands. Vecteur de communication d'idées novatrices, ce mouvement influença la vie quotidienne, sociale et politique et a profondément marqué la culture du midi de la France.
Ils condamnent la justice humaine, la guerre, refuse la hiérarchie, les honneurs, prônent l'égalité des classes sociales, des sexes, encouragent l'expansion du commerce et rallient artisans, commerçants, bourgeois.
Le comte de Toulouse Raymond VI, Raymond Roger Trencavel, d'autres grands féodaux ont soutenu les hérétiques.
L'église catholique, pour endiguer ce mouvement, lança en 1208 une croisade conduite par Simon de Montfort, puis une seconde croisade en 1226 sous Louis VIII.
La résistance depuis les châteaux, perchés sur leur promontoire, fut héroïque. Malgré de nombreux massacres, le catharisme perdura au XIIIe et la papauté eut recours à l'inquisition. Il se maintint dans la clandestinité jusqu'au XIVe siècle.
Ce 12 Avril, jour de notre départ, le ciel ne souriait pas ; aussi Danielle a dû inverser l'ordre des visites. Après l'incontournable Cité de Carcassonne, nous nous sommes rendus à l'Abbaye de Fontfroide.
L'imposante cité de Carcassonne s'élève, majestueuse sur un éperon rocheux. Cité gallo-romaine au début de notre ère, présence dès le Ve siècle des Visigoths, puis des Sarrazins.
Le catharisme s'implanta pour son esprit de tolérance, mais en 1209 la ville bascule.
C'est le déclenchement de la croisade conduite par Simon de Montfort. Conquise, Louis VIII incorpore en 1226 Carcassonne au domaine royal. En 1659, elle perd alors tout intérêt stratégique.
En 1531, le protestantisme divise la ville. En 1800 la ville basse et la cité fusionnent. En 1810 le canal du midi est détourné et passe enfin en centre ville. Au XIXe s. l'industrie drapière florissante au XVIIe siècle, en déclin au XVIIIe s. reprend. La ville basse s'enrichit tandis que la cité sombre dans l'oubli et la pauvreté. A partir de 1870 le territoire devient essentiellement viticole. Sauvée de la démolition grâce à un groupe d'érudits carcassonnais et à Prosper Mérimée, la cité fut restaurée par Viollet le Duc pour nous dévoiler sa physionomie actuelle.
Dans l'après-midi, cap surl'abbaye de Fontfroide (qui doit son nom dit-on à une source d'eau fraîche : fons frigida), une des plus grandes abbayes cisterciennes en France, (initialement bénédictine-1098) isolée dans un vallon des corbières. L'architecture diverse est le résultat d'un passé monastique tourné vers la prière et le travail. Elle fut rachetée et restaurée au siècle dernier. Son rôle a été important dans la lutte contre les cathares. De magnifiques grilles en fer forgé du début du XXe siècle nous accueillent. On pénètre par la cour d'honneur, entourée de bâtisses du XVIIIème siècle. Le bâtiment de structure médiévale qui abrita longtemps les frères convers, a été transformé en y intégrant un style renaissance. Nous traversons successivement le cloître du XIIe de style roman agrémenté d'une double procession de colonnettes en marbre à chapiteaux à décor floraux), le dortoir voûté, le réfectoire de 50 m. Il pouvait accueillir une communauté de 180 à 200 frères. Les jardins à l'italienne, les couleurs, l'architecture, l'environnement rappelle la Toscane. Nous avons fait quelques pas au-dessus de l'abbaye pour admirer ce magnifique ensemble.
Dans la soirée, notre « sympathique équipe » de 25 randonneurs s'installe dans les bungalows du relais d'Aguilar à Tuchan (village niché entre les Pyrénées et la Méditerranée, au pied du Mont Tauch sur le petit verdouble) sur fond de vignes des célèbres vins de Fitou et de Muscat. Nous prenons nos repères et écoutons avec attention, autour d'un apéritif de bienvenue, la suite de notre programme.
13 Avril : départ de la randonnée de Termes
Deux heures de randonnée dans de superbes chemins montant régulièrement mais sûrement, où les essences méditerranéennes se mélent : chênes verts, buis, thym, lavande..., mais aussi quelques fleurs de saison : jonquilles miniatures, muscaris, orchidées. Les ruines du château de Termes s’imposent à nous ; elles ont bien sûr leur histoire. Le catharisme était bien implanté dans la famille (Benoît de Termes nommé évêque des cathares du Razès en 1226). Assiégée en 1210, la forteresse fut confisquée et rattachée au royaume en 1228. Au XVIIe, suite au recul de la frontière, elle devint inutile et tomba dans l'oubli jusqu'au XXe siècle. Actuellement elle appartient à la commune et est ouverte au public. Retour vers Termes, à travers ses ruelles, Nous découvrîmes une buvette inattendue où nous nous sommes rafraîchis, avant de poursuivre notre route.
Lagrasse située dans la vallée de l'Orbieu. (un des plus beaux villages de France). Dominée par son imposante abbaye, la bourgade s'épanouit dans une garrigue où le romarin et l'olivier courtisent la vigne des Corbières. Le village conserve son charme médiéval, ses maisons d'autrefois, ses ponts, ses ruelles étroites.
Nous rejoignîmes l'abbaye (en cours de restauration) après une balade parmi pins cyprès et espèces odorantes. (les prêtres suivent la règle de St Augustin). Ce bel ensemble de pierres ocre associe harmonieusement l'architecture classique et médiévale. Là aussi un petit air de Toscane flottait.
Pendant la répression cathare l'abbaye joua un rôle d'apaisement. En 2004 les chanoines réguliers de la mère de Dieu rachètent le bâtiment avec le soutien de l'Evêque de Carcassonne. La Communauté actuelle se compose de 30 chanoines.
En soirée, notre charmante « historienne » Marie-France nous conta l'épopée de ces cathares longtemps pourchassés pour hérésie. Le débat est lancé, ce passage de notre histoire passionne et intrigue toujours.
14 Avril : A la découverte des « citadelles du vertige » derniers refuges des cathares. Enfin le soleil apparut rendant au paysage sa brillance, ses couleurs. Départ de Padern, destination le château de Quéribus. Le chemin balisé nous conduit à travers une végétation désormais devenue familière ; quelques hésitations et nous voici sur le bon sentier... le village de Cucugnan se profile au loin, nous le contournons. Après 3 heures de marche, la silhouette massive du château perché sur son pic rocheux, culminant à 728m, se rapproche, se rapproche encore, un dernier effort... avant d'aller à la rencontre de son histoire. L'usure des pierres rend l'ascension difficile. Le chevalier Chabert de Barbeira qui tient alors cette ultime défense, raconte la lutte et la lente agonie de la forteresse. Point de défense du pays cathare dans la commune de Cucugnan, frontière entre l’Aude et les Pyrénées orientales, Quéribus fut le dernier bastion de la résistance cathare et reste le témoin des événements dramatiques qui ont marqué la région.
Le château tombe en 1255 et rentre dans le royaume de France sous Saint Louis. Il devient une pièce maîtresse du dispositif défensif. La forteresse reconstruite par les Rois de France à la fin du XIIIe et au XIVe siècle, perdra son intérêt stratégique lors de la signature du traité des Pyrénées qui fixa définitivement la frontière franco-espagnole.
Du donjon polygonal, le regard embrasse le paysage grandiose : de la méditerranée aux Pyrénées en passant par la plaine roussillonnaise et au loin la ville de perpignan, au sud le mont Canigou se dresse dans son manteau blanc, l'Andorre…
Retour vers Cucugnan que nous abordâmes par une rue bien pentue, à la rencontre du légendaire « curé de Cucugnan » immortalisé par A. Daudet. Le village agencé en amphithéâtre, parcouru de rues et venelles escarpées est dominé par le moulin à vent d’Omer, restauré en 2003 et actuellement en service (en témoigne la bonne odeur du pain, des brioches qui s'en échappe).
Michel, Fabrice et Gérard de bonne grâce se sont substitués au « brave curé » pour une représentation théâtrale improvisée, mais bien exécutée malgré le manque de répétition... et cela au pied du moulin. Une photo du groupe s'imposait…
15 Avril : La matinée s'annonce splendide. La limpidité du ciel nous permet en quittant Tuchan, d'admirer le Canigou enneigé. Nous sommes informés sur ce qui nous attend. Le château de Peyrepertuse planté sur une crête rocheuse qui sépare Duilhac de Rouffiac s'étire sur 300m et domine à 800m le vignoble des Corbières. Position des plus stratégiques... Nous nous en sommes rendu compte en l’abordant par sa face nord (chemin dit des assaillants). Le GR progresse dans la forêt entre buis et chênes verts. Il faut prendre son rythme, mesurer sa respiration. Certains nécessitent une aide morale, et physique ; mais à l'arrivée, nous sommes tous là. Notre première regard se fixe sur les remparts accrochés en haut des à pic. Peyrepertuse était le plus vaste ensemble et le plus bel exemple d'architecture militaire du midi médiéval.
Nous avançons dans le dédale des ruines qui nous font bien présager de l'ampleur de l'ouvrage. L'ensemble se compose de deux châteaux. Certaines pièces sont assez bien conservées notamment la chapelle. L'histoire se répète...
Guillaume de Peyrepertuse est excommunié en 1224 et se soumet après l'échec du siège de Carcassonne. Saint Louis fait construire le deuxième château en 1242 avec le donjon St Jordy. Il fut reconstruit pour défendre la frontière contre le royaume d'Aragon puis l'Espagne et dès l'annexion du Roussillon (1658) perdit tout intérêt stratégique. Cependant une garnison y fut maintenue jusqu'à la révolution.
Nous pique-niquerons au pied du château, où Michou, ses pinceaux toujours prêts, ne perdant pas une minute, s'installait pour « aquarelliser » d'une main habile.
De retour à Duilhac, les « mordus », jamais rassasiés, ont poursuivi la balade vers le moulin de Ribauté, encaissé dans la verdure et les chutes d'eau. Un endroit reposant, baigné d’une douce lumière et propice aux photos.
Au retour, tout à coup le rythme s’accélère. Dépêchons-nous, la coopérative va bientôt fermer et certains souhaitent y faire un crochet pour une dégustation des célèbres vins de Fitou et de Muscat. Après une pareille journée, cela nous requinquera !
16 Avril : Nous partîmes directement de Tuchan de bonne heure, godillots aux pieds. C'est un grand bol de nature que nous réserve cette balade. En quittant le village, nous nous frayons un chemin à travers vignes et garrigue, en essayant de suivre au mieux les instructions recueillies au gîte. En ligne de mire, le château d'Aguilar (= aigle) se détache sur son piton (296 m) et semble veiller sur la plaine de Tuchan. Première mention du cite en 1020. Il fut la Possession des seigneurs de Termes (vassaux des Trencavel) On aperçoit nettement ses six tours circulaires. Devenue forteresse royale en 1260, il subit le même sort que la plupart des châteaux cathares.
Magnifique et odorante randonnée. Dernière nous, nous sentons toujours la présence du Canigou. Après quelques hésitations, nous voilà sur le bon chemin. Les effluves du romarin qui borde le chemin nous poursuivent. Plus loin, le sol se parsème d’iris et de narcisses sauvages. Puis le chemin monte régulièrement, mais la chaleur se fait sentir, heureusement estompée par un léger vent. Une journée idéale pour randonner. Nous redescendons par le col de Barrou à travers thym, bruyères blanches, forêt de pins, arbousiers, et regagnons le village de Nouvelles.
17 Avril : le temps maussade ne nous a pas fait renoncer à la visite des grottes de l'Ermitage de Galamus, accroché à la falaise, dominant la rivière qui coule dans un étroit canyon. On estime que dès le VIIe siècle les premiers reclus marquèrent leur présence. Il fallait un certain courage pour y vivre…
Puis détente et diversion dans le Labyrinthe de Nébias d'où certains craignaient ne pas pouvoir sortir...
Toutes les bonnes choses ont une fin. La « joyeuse troupe » se sépare autour d'un dernier pot.
Nous avons ouvert pour quelques jours une page de l'histoire tourmentée de cette région attachante. Ce séjour a t-il répondu à toutes nos questions et levé le voile sur le mystère de cette épopée cathare qui suscite encore tant d'interrogations ?
Nous remercions Danielle, toujours dévouée pour organiser des séjours plein d'intérêt et nous faire rêver. La bonne ambiance a une fois de plus assuré la réussite de ces quelques jours passés ensemble ; mais également l'accueil chaleureux du relais d'Aguilar noyé dans son écrin de mimosas et d’eucalyptus.
A très bientôt.
Michèle L.