23 avril : Pauillac – 20 km
Grand bol d’air garanti, en ce dimanche où le vent a poussé ou freiné les randonneurs, fait envoler les capes et bousculé les brushings !
Le même vent a dû gonfler les voiles de « la Victoire » ce 25 mars 1777, quand le Marquis de Lafayette a embarqué à Pauillac vers les Amériques pour porter secours à la population pendant la guerre d’indépendance.
La belle promenade aménagée sur les quais nous offre des vues imprenables sur l’estuaire, le port de plaisance et la rive droite sous l’œil protecteur du phare de Patiras ! Côté terre, les belles maisons en pierres des XVIIIe et XIXe siècle alignées évoquent les heures prospères de ce port de commerce où amarraient aussi les grands paquebots de croisière à destination des Antilles et de l’Amérique du Sud.
Pauillac est avant tout une appellation viticole renommée, ici les vignobles des grands crus classés épousent les douces courbes du relief à perte de vue. De magnifiques châteaux ponctuent notre itinéraire, l’occasion d’évoquer quelques péripéties locales... Du haut de la colline d’Anseillan, la vision de l’immense territoire du marquis de Ségur impressionne. Ce personnage haut en couleur, surnommé « le prince des vignes » a réussi à faire apprécier le vin de Lafite au roi Louis XV. Le maréchal de Richelieu, gouverneur de Guyenne, qualifiait le nectar de « fontaine de jouvence, digne de l’Ambroisie des dieux de l’Olympe » et ces dames de la cour n’étaient pas en reste, le vin de Lafite était devenu « la tisane de la Pompadour » !
De successions difficiles en ventes de parcelles, la propriété est divisée, puis quasiment reconstituée sous la bannière de la famille Rothschild qui possède aujourd’hui les domaines de Lafite, Mouton et Clerc Milon.
Les sœurs Averous, autres figures du lieu, propriétaires d’un petit domaine viticole au XIXe siècle, célibataires et bigotes, ont fait édifier une réplique parfaite de la grotte de Lourdes au lieu-dit Artigues, pour se faire pardonner leurs péchés. Elles expédiaient chaque année un tonneau de vin au chapelain de Lourdes qui renvoyait la barrique pleine d’eau bénite. Cette eau, dispersée dans les vignes était censée attirer les foudres divines sur les divers parasites qui commençaient à attaquer les vignobles en cette fin de XIXe siècle. Le reste était mis à la disposition des pèlerins de passage pour s’abreuver et se laver, comme le conseille la plaque d’époque apposée à côté de la grotte. La propriété des sœurs Averous se repère facilement, la tour de l’Aspic la domine, pour surveiller leurs précieux ceps et les ouvriers. Une statue de la vierge couronne le tout.
Le coup de cœur du jour va au château Pichon Longueville, sa silhouette romantique avec ses tourelles se reflète dans un miroir d’eau, la façade en pierres blanches est ouverte sur de grandes fenêtres ornées de guirlandes de fruits et fleurs et les hautes toitures sont hérissées de cheminées ouvragées.
Autre réalisation romanesque de Jean-Michel Cazes, lors de la restructuration de son château Lynch Bages, il a l’idée de reconstituer la place du village telle qu’il l’a connue dans son enfance, dans les années 50. Le café Lavinal fait face au « Bages-Bazar », à la boucherie et à l’atelier de réparation de vélo tandis que la fontaine coule doucement au centre de la place où flotte un air parfumé des effluves de la glycine en fleur !
Et le dernier km de la randonnée se déroule sur le plus beau chemin du département, en bordure de Gironde, au milieu de la roselière, et parsemé de fragiles carrelets comme perchés sur leurs échasses ! Un régal pour les photographes ! Nous sommes bercés par le doux clapotis de l’eau dans une ambiance parfaitement sereine... De quoi rêver de voyages au long cours vers des contrées lointaines !
Anne