30 AVRIL 2011 : A LA RENCONTRE DU MONDE SECRET DE LA LEYRE
Ce jour-là, nous étions 29 au rendez-vous du Delta de la Leyre.
acacia robinier sur la Leyre
Mathieu et Magali (de la ligue pour la protection des oiseaux) nous attendaient pour cette « exploration », longue vue sur l’épaule, à la rencontre de la flore et de la faune du delta de la Leyre. Le départ est donné à 10 heures, une fois toute l’équipe rassemblée.
Une promenade d’une dizaine de km dans la beauté sauvage du Val de l’Eyre et du domaine de Fleury.
Voilà de cela des milliers d’années, l’Aquitaine n’était qu’un immense marécage.
Pour assainir la zone humide, l’homme a creusé des fossés de drainage ou crastes (du gascon Crasta). Ceci se généralisera au XIXe s. et facilitera l’écoulement des eaux et la mise en culture des pins dont Napoléon III a été l’instigateur.
La Leyre secrète prend sa source sur le plateau landais à environ 90 km du bassin d’Arcachon où elle se jette en formant son delta dans une zone de marais, de prés salés. L’eau douce de la Leyre devient saumâtre en se mêlant à celle du bassin. Elle canalise une multitude de petits cours d’eau et sa faible pente dessine d’innombrables méandres sous couvert d’une magnifique forêt-galerie (qui peut, pourquoi pas, nous rappeler l’Amazonie…), sous laquelle les amateurs de canoë passent (très nombreux ce jour-là)
Il faut noter que très peu de rivières se jettent dans l’océan, car le cordon dunaire présent tout le long du littoral les en empêchent.
Le site est incontestablement exceptionnel et unique.
Nous voilà immédiatement plongés dans la forêt à l’écoute d’une faune parfois insoupçonnée et bien discrète visuellement. Seul le chant des oiseaux nous révèlent leur présence. Mais où se cachent-ils ?
On y rencontrera peut-être la loutre ou la tortue cistude d’Europe …patience...
Notre progression semble parfois lente, mais l’observation de la nature demande beaucoup de patience et d’attention. A déconseiller aux mordus de la vitesse….
Notre guide habitué à ces milieux, développe un don d’observation exceptionnel. Nous ne restons pas de reste, lui montrant que nous avons aussi quelques connaissances dans le domaine.
Bon rentrons dans le vif du sujet, essayons de rester silencieux une minute pour déceler le chant des oiseaux, reconnaître leur mélodie. Ils se montrent discrets et sans doute se jouent de nous, si proches et pourtant si inaccessibles. Exercice très difficile à moins d’avoir l’oreille musicale pour différencier les nuances de leurs chants.
Mathieu Muni de sa « bible » sur les oiseaux commente :
La fauvette à tête noire cachée dans les feuillages qui nous ravit avec son chant flûté ou fuité nous dit-il (proche de celui du rossignol) nous vient d’Europe centrale. Le coucou (plus facile à localiser), ce bel oiseau qui a pour habitude de pondre un œuf unique dans le nid des autres en prenant soin d’éliminer un des œufs déjà existant. Culotté l’animal. Une fois éclos, l’oisillon pousse en dehors du nid les autres œufs et devient l’unique pensionnaire des lieux. Mais ce qui est plus étrange, c’est que le couple d’oiseaux va nourrir l’oisillon comme s’il était le leur, car la femelle après avoir abandonné son oeuf, va pondre dans d’autres nids. Etrange famille, le coucou ne sera jamais élevé par ses parents. C’est un oiseau migrateur qui repartira vers le sud.
Le pouillot véloce qui émet deux notes jointes « tchip tchip », appelé également « compte écus » car le son qu’il produit rappelle le cliquetis des pièces de monnaie.
Le vol d’une cigogne emportant dans son bec des brindilles pour son nid ; décidément elle bouge trop, impossible de la photographier.
fauvette à tête noire Pouillot véloce
Le pic vert fait des trous dans les arbres morts pour y dénicher des vers de sa langue rugueuse… Sa langue est fixée à l’avant de la bouche. Quand celle-ci est au repos, elle fait le tour complet de sa tête en garnissant une cavité qui entoure son cerveau. A noter que sa langue finit par rencontrer la colonne vertébrale à l’arrière de la tête. La partie terminale de sa langue est bifide et passe donc de part et d’autre de ladite colonne. On note la puissance de son bec qu’il utilise pour creuser un trou dans un arbre sain et s’y réfugier.
Oiseaux à bec fin ou large suivant qu’ils sont insectivores ou granivores.Chemin faisant arrêts sur la flore : les ombellifères, bardanes, mélampyre du pin , plante herbacée hémiparasite, qui vit à partir de plantes hôtes bien qu’elle puisse survivre grâce à sa propre photosynthèse.
Mathieu nous vente les bienfaits de l’ortie. Elle contient du fer, de la vitamine C, du calcium. Si vous manquez d’imagination pour vos menus… pensez-y…
Les plantes rudérales, celles dont l’implantation découle en partie de l’activité humaine.
La garance voyageuse, qui s’accroche aux supports du fait de ses feuilles velue, l'euphorbe. La rencontre du lézard vert (je devais passé à côté sans les voir, car je n'en ai jamais autant observés), nous en avons déniché quelques beaux spécimens. Notre acuité visuelle étant plus aiguisée au fur et à mesure des découvertes. L’élégance glissée de deux cygnes.
Présence du ragondin et de la loutre soyeuse (que nous ne verrons pas...)
Au fur et à mesure que nous avançons, nous sentons l’odeur suave du chèvrefeuille déjà très en fleurs, le rose délicat de l’églantine. Partout la nature explose en senteurs, couleurs. Virevolte au-dessus de nous un papillon au dessin parfait : le Papillon gazé (noir et blanc) très rare par ici selon Mathieu, le flambé danse autour de nous dans la légèreté de son vol.
garance voyageuse mélampyre du pin euphorbe Chèvrefeuille
Eglantier Lézard vert Entrisque
Papillon gazé papillan flambé
Nous avons pique-niqué près de la réserve ornithologique. Rassasiés nous reprenons nos observations sous un soleil de plus en plus insistant. Et nous poursuivons à la rencontre de la fauvette Rousserole présente dans les roselières.
Le tadorne de belon, gros canard multicolore très sociable (partie centrale blanche, faces latérales noires, bec rouge) qui squatte d’anciens terriers de lapins ; décidément tout ce petit monde aime bien s’inviter chez les autres…
Nous verrons un milan noir sur un arbre perché que son plumage sombre permet d’identifier rapidement. Beau rapace d’une envergure de 50 à 60 cm. Un voisin de branche : un cormoran qui contrairement à la plupart des oiseaux n’a pas un pelage imperméable pour une meilleure pénétration dans l’eau.
Tadorne de belon Milan et cormoran
Mais aussi le héron blanc le plus répandu d’Europe : la gracieuse aigrette Garzette, le héron cendré, le troglodyte mignon dit troglo, minuscule oiseau à la silhouette ronde, au chant clair, très vif. Le loriot d’Europe ou « merle d’or ». Malgré ses couleurs éclatantes, il a l’art de la dissimulation. En Août il rejoint l’Afrique équatoriale.
Et soudain celle qui est présente dans le delta mais se montre rarement, la tortue cistude d’Europe, espèce protégée, avec sa tête piquetée de jaune…qui se chauffe au soleil et ne plonge dans l’eau qu’en cas d’extrême danger. Chaque plongeon entraînant un refroidissement et une grosse perte d’énergie longue à restituer.
On trouve également dans ce delta beaucoup d’espèces venues d’ailleurs qui se sont multipliées d’une manière exponentielle, comme l’écrevisse d’Amérique, la tortue de Floride…. et dans le règne végétal les baccharis ou faux cotonniers pour sa floraison cotonneuse, importés accidentellement et qui prolifère le long des sentiers.
troglodyte mignon Loriot d'Europe tortue cistude
fleur de coucou stellaire Chenilles
Il ne faut pas se leurrer, toutes les photos d'oiseaux ne sont pas de notre fait. C'est un monde tenu bien caché. Seuls leurs chants nous ont accompagnés et parfois une silouhette furtive...
La journée était superbe et le soleil bien insistant à en juger nos couleurs.
Mathieu n’a pas pu mettre dans « la boîte » la rare libellule bleue …Ce sera pour une autre fois.
P.S. Aux dernières nouvelles, il en a observées dans le blayais…
Belle journée instructive dirigée sous l’œil expert de Mathieu et Magalie, que nous remercions vivement. Nous nous quittons vers 16h45 un peu plus riches d’avoir côtoyé et essayé de percer l’univers secret de la Leyre, monde organisé d’une façon parfaite, où rien n’est laissé au hasard. Mais l'équilibre de ces milieux est fragile, le préserver demande une extrême vigilance.
La prochaine fois nous aborderons ce petit coin de paradis d’un œil différent.
Vous avez sans doute été meilleurs observateurs que moi, soyez indulgents…
Avec la précieuse collaboration de Roger V. (une partie des photos et commentaires)
A bientôt
Michèle L.